da omicron » Tue Mar 19, 2013 2:46 pm
Salut Cath,
Je vois principalement deux choses dans ce que tu expliques.
1) Une culpabilité que tu portes très profondément en toi, et qui te ronge. Qui cherche à s'évacuer en attendant que la vie amène du bonheur à ton fils, ou que la relation avec son père s'épanouisse, ou autres événements extérieurs, qui pourraient te soulager. Et qu'à mon sens il va falloir aller travailler en profondeur. Je vais revenir là-dessus après.
2) Quelque chose de plus inconscient inhérent au lien maternel et la construction de ta relation avec ton fils, qui amplifie la culpabilité et fait que quelque chose en toi la nourrit aussi.
Sur le premier point :
Dans le premier tirage, qui à mon sens te parle de toi, avant même de parler de ton fils, on voit la Papesse envers, qui se détourne du passé, dans lequel il y a une grosse bestiole inquiétante, le diable envers. Un paquet de noeuds qui est devenu peut-être juste terrifiant à force.
La papesse regarde la roue du destin, dans le futur, comme attendant une solution par la vie de ces noeuds que tu portes en toi.
Elle est à l'envers, il y a un problème dans ce positionnement.
Il faudrait que tu regardes de l'autre côté.
La culpabilité est un sentiment assez "aliénant", dans le sens où elle est à la fois quelque chose de profondément sincère sur le fait qu'on a la sensation d'avoir nui à quelqu'un et qu'on le regrette ; mais elle est aussi en partie une fuite de la réalité.
Ce qui s'oppose à la culpabilité c'est la responsabilité.
Dans le choix que tu as fait, il y a une vingtaine d'années, de choisir cet homme, il y a une responsabilité à prendre et à assumer pleinement.
Et à mon sens, revenir sur cette époque, vraiment, relire le livre, relire l'histoire, en toi, pour toi, peut-être même l'écrire l'histoire, avec les détails, laisser sortir les émotions qui y sont liées en écrivant.
En te lisant j'ai l'impression que tu as complètement oublié qui était la jeune femme qui a fait ce choix. Quelles étaient ses motivations, ce qui vivait en toi à ce moment-là.
Tu as comme collé une étiquette résolument négative sur ce choix, et donc sur toi, celle que tu étais à l'heure de ce choix.
Quelles étaient les informations que tu avaies à l'époque ? savais-tu que cet homme partirait en vous laissant quand le petit aurait trois ans ?
oui ou non ?
si c'est oui..... ben là tu dois regarder ça en face, et en assumer la responsabilité.
Mais si c'est non, alors, pourquoi demandes-tu à la femme que tu étais de savoir ce que toi tu sais aujourd'hui parce que tu connais la suite de l'histoire ?
Et il est possible aussi que ça soit ni oui ni non, que ça soit plus mitigé, parce que parfois on a des intuitions, des rêves, des espoirs, et que ça fait aussi partie de notre nature d'être humain.
Mais quelle que soit la réponse, je crois qu'il faut la regarder en face, voir quelle est ta responsabilité dans cette histoire.
Tu as choisi cet homme, en effet. Ca c'est un fait.
Mais sur quels paramètres as-tu choisi cet homme à l'époque ? Quelle était la part de conscient et d'inconscient ?
Je crois qu'il faut que tu reviennes sur ce qui s'est passé, parce que là c'est pas réglé cette culpabilité, donc il faut s'en occuper. Et arrêter d'attendre que ton fils aille bien pour en être soulagée.
ca ne peut pas marcher comme ça.
Ca l'endormira seulement la culpabilité si elle est très profonde.
Mais au moindre déboire de ton fils, même un déboire normal, un trébuchement dans sa vie comme il en arrive à des milliers de gens avec ou sans père, le monstre ressortira de la cave.
Y'a pas de solution extérieure à ta culpabilité, il ne peut y avoir qu'une solution intérieure. Et tu es la seule à pouvoir t'en occuper.
Sur le deuxième point :
Je me demande si tu es pas en train de te faire manger aussi par une souffrance en toi, liée à l'envol de ton fils.
Un jour ton fils n'aura plus besoin de toi. C'est un passage que vivent toutes les mères, et c'est difficile. Parce qu'après avoir été tout pour lui, tu dois trouver une nouvelle place. Où tu restes sa mère, mais où tu n'es plus responsable de ses choix, de son bonheur ou de son malheur.
Tu perds quelque chose : la place que tu avais quand ton enfant était dépendant de toi, l'importance que cela te donnait, pour au moins une personne sur terre.
Il me semble possible que quelque chose en toi alimente la culpabilité, au point de penser que tu puisses l'avoir dépossédé de sa vie, parce que même si c'est d'une manière douloureuse pour toi, cela remplace une place très importante par une autre place très importante : le fait d'être celle qui a pu déposséder son fils de sa vie.
Je dis cela avec des pincettes, mais il peut se projeter beaucoup de choses dans un lien complexe de ce type mère-enfant.
Et je pense que ça mérite d'aller voir ça.
Il y a peut-être un "bénéfice secondaire" à ta culpabilité. D'où la difficulté à la lâcher, ou à aller t'en occuper pour la régler.
Je pense en fait que c'est peut-être un double truc : une vraie culpabilité, mais aussi quelque chose qui veut qu'elle reste là.
Déposséder quelqu'un de sa vie, c'est énorme, et c'est limite impossible.
A moins de l'avoir enchaîné dans une cave et empêché de sortir à tout jamais.
Tu as eu une influence évidemment sur ton fils, tu as une responsabilité dans certaines choses, mais, il n'est pas possible humainement parlant que tu l'aies "dépossédé de sa vie". Et je pense que le fait d'entretenir cette croyance est une énorme frein actuellement, pour toi comme pour lui.
Pour le dire cash : tu n'as pas ce pouvoir sur lui.
Il est un autre être humain, avec un libre arbitre, une personnalité, une individualité.
Tu dis que peut-être il n'a été qu'un instrument pour réparer ta propre vie. Ce n'est pas possible.
A mon sens, il y a à dénouer ce genre d'idées, et voir pourquoi elles s'entretiennent en toi ?
Est-ce simplement et très naturellement parce que le voir partir c'est dur ? Et que tu sais que la place que tu as eue pour lui, quand il volera de ses propres ailes, tu ne l'auras plus ? que tu en auras une autre, d'une autre manière mais que tu vas être obligée de lâcher sur ce rôle de maman très présente et dont il avait besoin pendant toutes ces années ?
Est-ce que cela te renvoie à ta place dans le monde ?
Je vais dire quelque chose qui peut être dur à entendre, je peux difficilement y mettre des tas de fioritures ou précautions, tout ce que je peux te dire c'est que je ne te juge pas, et que pour moi tout ça a vocation à éclairer des choses peut-être inconscientes, que le mental, les émotions, les peurs, les doutes, créent. Et on en a tous des trucs comme ça.
Particulièrement dans un lien complexe comme le lien parent-enfant.
Bon, sans fioriture donc :
quand tu écris que tu attends plus ou moins que ton fils se réunifie pour t'autoriser à être heureuse -> c'est là où quelque chose en toi l'instrumentalise d'une certaine manière.
Je comprends ce que ça peut vouloir dire, sur un autre plan, et qu'il peut y avoir quelque chose de profondément lié à ta culpabilité.
Mais cette culpabilité génère du coup le fait que tu demandes à ton fils d'être heureux pour que toi tu sois soulagée (grosso modo hein, après il y a des tas de nuances forcément là-dedans, etc etc).
Or il ne peut pas faire ça. C'est pas son rôle.
Lorsque tu dis ça, d'une certaine manière tu entrecroises encore vos vies, vos "destins", en faisant l'un la condition de l'autre.
Ca t'enferme, et ça l'enferme aussi lui potentiellement.
Et ça ne peut rien régler.
Je crois qu'il faut prendre le problème dans l'autre sens.
-> détacher les fils entremêlés, voir si ta place de mère est devenue une identité pour toi trop forte, au point que c'est difficile de transformer votre relation et la nature du lien entre vous ; voir aussi si la culpabilité n'est pas devenue une part de ton identité, liée à ton identité de mère.
-> aller t'occuper de ta culpabilité, toi, seule, face à toi. C'est à dire retourner intérieurement à ce qui s'est joué, le début de l'histoire, et regarder vraiment, ressentir, retrouver, les émotions, l'état de conscience dans lequel tu étais, voir ce que tu as choisi en conscience, ce que tu as choisi sans vraiment choisir, voir ce qui est de toi, l'assumer, avec un regard équanime, et en ressentant pleinement le regret ou la douleur s'il y en a, liés à certains de tes choix ou la manière de les faire ; te purifier en laissant sortir les émotions, en les acceptant, en étant pleinement présente à ça. Voir aussi du coup ce qui n'est pas de ton fait, et le laisser aux personnes concernées, ça se fera naturellement en prenant tes responsabilités à toi, ça fera le tri automatique. Quand tu sauras vraiment, de l'intérieur, ce qu etu as fait et que tu regrettes, ce que tu as fait et que tu ne regrettes pas, ben tu sauras aussi ce que tu n'as pas fait.
Bises
Omi
"Avoir le coeur aussi grand qu'une église, dans laquelle l'agitation et les pleurs d'un enfant résonnent sans en troubler la paix"