Salut,
Merci beaucoup de t'inquiéter de mon sort tragique.
J'avais l'intention de te répondre; il n'y en a toujours qu'un seul.
Je me procurais il y a un mois le livre dont tu m'avais parlé au sujet des âmes jumelles, ouvrage dont le contenu correspond tout à fait à ce que je traverse depuis trois ans (sauf "l'amour-haine": je l'aime sans jamais la haïr ni penser de mal d'elle; Il semblerait donc que j'aie atteint un niveau d'éveil me permettant d'aimer inconditionnellement alors qu'il y a un an je la critiquais encore beaucoup) en expliquant bien les choses contrairement aux généralités qu'on lit trop sur internet.
Ces dernières semaines j’essayais en vain de trouver le courage de lui rendre une discrète visite nocturne (seule façon d'éviter son père pour le moins évitable; un bourru hyper borné sur-protecteur avec lequel aucune discussion intelligente n'est possible) mais lorsque je me rapproche de son district résidentiel je me décourage infailliblement, rebroussant chemin. Hier soir j'arrivais jusqu'à sa rue sans oser m'aventurer devant la maison.
Lors de notre dernière et brève rencontre seuls fin mai je ne sentis aucun sentiment d'être harcelée dans son regard et elle me déclara "à bientôt!".
J’hésite à aller la voir car si un jeune homme n'est pas accepté par les parents d'une jeune personne c'est salement flingué. D'autant plus compromis qu'elle adore son père et redoute de le contrarier plus que quiconque sur terre. Pour ma part je n'ai pas du tout peur de lui mais j'estime qu'une confrontation serait aussi déprimante que stérile.
Personne ne serait assez fou pour nier qu'en dépit d'une connexion céleste intangible une relation ne s'établit pas sur un pur sentiment ici bas. Elle prend racine dans un contexte géographico- social où si tout bon rapport est impossible entre le prétendant et les parents de sa bien aimée l'union l'est aussi ou ne peut qu'en pâtir lourdement à court comme à long terme.
Même la spirituelle qu'est l'auteur du livre sur les âmes jumelles remarque à juste titre qu'il y a souvent dans ces histoires un obstacle social sur lequel il n'est pas question de fermer les yeux.
Quand un jeune homme est méprisé comme un harceleur la chose est fort problématique dans la mesure où le choix sentimental d'une jeune fille est quoiqu'on en dise pas mal tributaire de l'adhésion paternelle et ce d'autant plus dans un milieu populaire où la figure masculine a sans doute davantage d'autorité que dans des milieux plus aisés et cultivés davantage susceptibles d’admettre une psychologie complexe et de bonnes intentions chez autrui.
Son entourage est au contraire horriblement simplificateur (psychologie manichéenne de téléfilm américain; il leur faut un gentil et un méchant or j'incarne malgré moi ce "méchant"), méfiant au possible, m'ayant même mis au pilori! Ma contre-attaque assez effrontée d'il y a deux mois ne doit rien arranger mais je m'en fous je ne ferai plus d'inutiles concessions.
En admettant qu'elle veuille me revoir il y a fort à parier que son père s'opposerait à cette incompréhensible folie. Cela fait plus de deux ans qu'elle rompit tout contact et bien qu'elle paraisse davantage consciente de la connexion pour son entourage percevant la chose d'un point de vue égotique c'est "mort"; toute tentative de ma part pour entrer en contact avec elle n'est rien de plus que du harcèlement.
Si de mon côté que j’eus le sentiment intime d'être en quelque sorte plus proche d'elle ces deux dernières années malgré l'absence de lien humain cela relèverait pour certains d'un fascinant phénomène métaphysique, pour d'autres -la plupart- d'un état pathologique.
A l'époque de Platon l'amour était chose sacrée, on vénérait Eros qu'il fut vulgaire ou céleste comme le mien, les hommes pardonnaient toute folie commise sous son influence.
Hélas! Il en est tout autrement dans ce contexte ayant une vision hyper limitée, très utilitaire de l'amour, de tout!
Je suis moins en proie à la peur qu'à un profond découragement m'empêchant de prendre la moindre initiative concrète, mon plus grand défaut étant mon manque de volonté. Au reste, j'ai un tempérament mélancolique pensif ne me permettant guère d'envisager les choses positivement.
Je la retrouve en principe début septembre à la fac.
J'entravais peut-être le processus par mon gros manque de confiance en l'existence.
Comment me sentir davantage dans le flot de l'univers (moins recroquevillé dans mon inquiétude)? Comment risquer plutôt que d'être excessivement prudent?

