Bonjour Aventure
C'est vrai que j'avais "programmé" ma vie (mariage, couple, enfants, famille) mais comme beaucoup de personnes de ma génération. Par contre, l'homme avec qui j'ai construit tout cela, je l'ai réellement, sincèrement et amoureusement choisi. Quand je l'ai vu, j'ai su que c'était lui et pas un autre. Pourtant il n'avait pas le "profil" ....
Réparer la disparition brutale de ma mère en construisant à mon tour une famille, oui c'est ce que je voulais, mais ça ne s'est pas fait de suite, je ne me suis pas jetée sur le premier qui passait. Il y a eu 5 ans entre les deux évènements, je l'ai attendu celui qui m'accompagnerait dans ce projet. Lui aussi avait à réparer l'image parentale et familiale. Ceci nous a rapproché mais il y avait l'amour aussi. Par contre, je pense aujourd'hui que mon mari n'a pas vu cette dimension d'amour ou alors, trop perturbé par son histoire personnelle, il n'en a pas voulu ou n'a pas pu s'y engager.
Quand mon mari m'a quitté, je n'ai rien fait pendant des mois car j'attendais son retour. Puis au bout de 10 mois, j'ai appris qu'il m'avait remplacée depuis 5 mois déjà. Cela a provoqué une grosse colère et une grande souffrance, j'y voyais une trahison à laquelle je ne m'attendais pas .... beaucoup de naïveté de ma part !
Sur les conseils d'une amie, je suis allée voir une sophrologue-thérapeute pendant 2 mois 1/2. Cela m'a fait beaucoup de bien, car ça a libéré la parole, permis de m'autoriser cette colère. Mais, après ? Il faut bien vivre au quotidien, avancer, trouver des solutions par soi-même. Mon mari a suivi une psychanalyse pendant des années .... le fond de ses problèmes est toujours là. Je connais des gens qui fréquentent des psy et parfois depuis des années. Il me semble que ce sont des béquilles qui les aident à tenir mais pas à avancer et moi j'aime avancer dans la vie.
Et puis, j'ai appelé deux psy qui n'ont jamais donné suite à mes appels .... je me suis dit que ce n'était donc pas la solution. Par contre la lecture des écrits de Jacques Salomé, Guy Corneau et Boris Cyrulnik m'ont beaucoup aidée.
Je ne remets pas en question l'intérêt de leur travail avec certains mais moi, ça ne me correspond pas.
Le deuil de la mort de ma mère a été long et douloureux et je ne suis pas sûre qu'aujourd'hui il soit complètement fait mais je "sais" qu'elle est là, qu'elle m'accompagne.
Le deuil de la séparation avec mon mari n'a bien sûr pas commencé et je ne sais pas si je réussirai.
Chacun réagit différemment face à ces évènements de la vie, certains tournent la page très vite, d'autres jamais et d'autres encore vivent en les portant. Je fais partie de ceux-là, je ne crois pas possible de fonctionner autrement, même en allant voir un psy.
Comme tu l'as dit justement, j'ai vécu 26 ans avec mon mari ("c'est une réussite"), après avoir vécu 18 ans avec ma mère (c'est aussi une réussite). Aujourd'hui,à 52 ans, j'ai encore quelques années à vivre, peut-être autant qu'avec ma mère, ou mieux qu'avec mon mari (!) et je trouverai des solutions, ça je le sais. J'en trouverai car comme je te l'ai écrit, j'ai une famille, deux fils et que la vie continue avec eux. La blessure finira par se soigner, cela prendra du temps car j'ai "la cicatrisation lente" et cicatrice, il restera, et elle fera partie de ma vie car je pense que les "coups de la vie" s'impriment en nous. On peut atténuer leur impact mais ils nous habitent. Si nous savons les accepter, ils nous enrichissent, nous fortifient .... et nous font avancer, même si ça manque de légèreté. Mais c'est possible une vie faite que de légèreté ? Je ne crois pas.
Une connaissance à moi n'a pas pu accepter, elle s'est suicidée, pourtant elle venait de rencontrer un homme après sa séparation douloureuse, elle avait suivi une thérapie, fait un séjour en hôpital. Son psy était favorable à sa sortie, considérait qu'elle allait mieux et 1 mois plus tard elle a mis fin à ses jours. Pourtant elle avait deux enfants, dont un encore jeune. C'est son choix, elle a du considérer qu'elle serait plus en paix ainsi.
Moi, je considère que mes parents m'ont donné cette vie en cadeau, comme je l'ai donnée en cadeau à mes fils. Et mes fils sont mes plus beaux cadeaux de la vie; seul cadeau que je garde de mon mari, que je ne lui ai pas "rendu" et qui nous unit pour toujours.
Je fais partie d'une chaîne de vie que je ne veux pas interrompre, en y accordant beaucoup d'importance, je me maintiens en vie et j'avance. J'espère que dans quelques années, je connaîtrai mes petits-enfants.
Je ne sais pas à quel deuil tu es confrontée actuellement, c'est vrai que c'est dur, que rien ne sera plus jamais comme avant mais j'ai eu le sentiment, dans nos échanges, que tu possédais une certaine énergie, de la gaîté et l'envie d'avancer, même si pour l'instant les temps sont difficiles. Je me trompe ?
Autour de moi, il y a deux femmes du même âge qui ont perdu leur mari depuis une dizaine d'années. L'une continue, a rencontré un compagnon et ses fils vont plutôt bien. L'autre boit pour oublier, elle est seule, son fils est en internat et sa fille déprime. Une collègue a perdu son fils l'an passé. Il avait 23 ans et une tumeur au cerveau. Il est mort dans la souffrance. Elle porte son fils et sa mort en elle, accompagnée de son mari avec qui elle a des liens forts et de son plus jeune fils. Et puis de se demander pourquoi l'autre est mort peut aussi aider, la vie a un sens, la mort aussi. J'ai revu récemment une cousine que j'avais perdue de vue depuis 15 ans. Elle vient de se marier pour la 3ème fois, après un divorce et un veuvage. Elle m'expliquait que quand son 2ème mari est mort d'une crise cardiaque, ils n'étaient plus bien ensemble, elle se demandait ce qu'elle allait faire .... et il est mort. Elle a ressenti une grande culpabilité et puis elle a rencontré, assez vite son nouveau mari. Je lui ai dit que son 2ème mari n'avait peut-être rien d'autre à lui offrir que ce départ définitif pour la laisser continuer son chemin et trouver le bonheur avec un autre, elle qui n'a pas eu un chemin de vie facile.
Je crois que quand on a reçu de l'amour dans l'enfance ou quand on vit avec de l'amour autour de soi, on surmonte. La mort c'est dur mais elle fait partie de la vie. Elle peut être profondément injuste mais on ne peut rien y faire sauf se dire comme tu m'as écrit : " 26 ans de vie commune tu peux te dire aussi que c'est une réussite". La séparation ou la mort sont à mon avis des deuils similaires.
Je voudrais t'apporter plein de force et de courage car tu m'en as transmis beaucoup.
Je ne sais pas quel âge tu as, tu me parais jeune. A moins que tu aies conservé une jeunesse d'esprit !
A bientôt Cristina

PS : Cette nuit j'ai fait un rêve. Ma mère était présente mais ne parlait pas. C'est mon mari qui me parlait et me racontait que la relation entre mon mari et sa "copine" du moment n'allait plus, ils allaient se séparer dans quelques mois, en février ou mars. Même sa mère (ma belle-mère) n'était pas contente de ce qui se passait quand elle allait le voir dans sa maison, c'était "n'importe quoi". Et moi, je riais, j'étais heureuse de ce que j'entendais, et je disais "je le savais que ça ne marcherait pas" et je me demandais pourquoi ils attendaient pour se séparer, cela me paraissait longtemps et inutile.
Dans ce rêve mon mari s'était dédoublé, il me parlait de "l'autre" lui-même, il me racontait ce que vivait "l'autre" et ma mère écoutait sans parler.
- j'ai toujours pensé que mon mari était "double", qu'il avançait dans sa vie sur 2 chemins, le mien en compagnie des enfants, rassurant, le sien, tout seul, pour le plaisir.
- dans son livre "Nouvelle interprétation des rêves", Tobie Nathan dit que quand on rêve d'un mort de sa famille et qu'il ne parle pas, c'est qu'il délivre un message.
Depuis des semaines, je n'arrivais plus à me souvenir de mes rêves et je rêve très rarement de ma mère.
Si tu as encore un peu de temps à me consacrer après ce long message, que voient les cartes dans ce rêve ?
Amicalement